samedi 28 décembre 2013

1993 - Ni d'Est, ni d'Ouest, nazis !



1993 - Ni d'Est, ni d'Ouest, nazis !

Canzone française – Ni d'Est, ni d'Ouest, nazis !– Marco Valdo M.I. – 2013
Histoires d'Allemagne 94
An de Grass 93

Au travers du kaléidoscope de Günter Grass : « Mon Siècle » (Mein Jahrhundert, publié à Göttingen en 1999 – l'édition française au Seuil à Paris en 1999 également) et de ses traducteurs français : Claude Porcell et Bernard Lortholary.



Il est vivement conseillé de regarder la vidéo, dont l'adresse suit :

http://www.vitheque.com/Fichetitre/tabid/190/language/fr-CA/Default.aspx?id=148




Écoute bien, Lucien l’âne mon ami, cette histoire d'Allemagne, car – peut-être plus que d'autres, elle nous concerne tous quoiqu'elle date de l'année mil neuf cent nonante-trois et qu'elle se passe en Allemagne. D'une certaine manière, elle donne la clé de toute cette série d'histoires d'Allemagne qu'il faudra bien comprendre comme des histoires d'Europe.


Ah, Marco Valdo M.I. mon ami, ce que tu dis là recoupe et confirme très précisément ce que j'avais ressenti depuis le début de ces Histoires d'Allemagne, sans trop oser le dire. En quelque sorte, l'Allemagne, c'est l'Europe et l'Europe, c'est l'Allemagne... Et par exemple, la lutte des opposants allemands au troisième Reich était en fait la lutte d'Européens pour la liberté et la survie ; une lutte pour la sauvegarde de tous les Européens. D'ailleurs, il me paraît que c'est là une sorte de point de vue précurseur, une appréciation lucide de ce qui se passe sur le continent... chacun des soi-disant États étant une sorte de province de cette Europe en maturation. Ceci s'impose quelles que soient les prétentions nationales et les constructions institutionnelles. L'Europe, même dans l'état immature où elle se trouve, s'impose par dessus les nations. D'ailleurs, l'Europe existait avant même qu'on la formate en Communauté, en Union ou demain, en je ne sais quoi. Ceci a d'autres conséquences et notamment, le fait essentiel que rien de ce qui se passe en Europe ne peut nous rester étranger ; autrement dit, quoi qu'il se passe en Europe et où que la chose se passe, cela affecte, concerne et touche tous les Européens. Ainsi les malversations de certains politiciens dans un pays sont tout aussi dommageables à l'ensemble des Européens qu'aux nationaux estampillés de cette nationalité. En clair aussi, ce qui est fait aux Grecs non seulement concerne tous les autres Européens, mais aussi est prémonitoire de ce qui va leur arriver demain – si ce n'est déjà fait. Ce qui confirme notre antienne : « REGARDEZ CE QU'ILS FONT AUX GRECS, ILS VOUS LE FERONT BIENTÔT ».


On pourrait d'ailleurs tout aussi bien dire : « Regardez ce qu'ils font aux Hongrois, aux Roumains, aux Italiens, aux Belges, aux Espagnols, aux Portugais... » En somme, il suffit d'un peu de théorie des ensembles... Mais pour en revenir à cette histoire d'Allemagne, elle raconte une série d'événements dramatiques qui étaient des chasses à l'homme, des manifestations contre les étrangers, les immigrés, les gens de couleur, les gens venus de l'est, du sud, d'ailleurs... En toile de fond, il y a la destruction des régions allemandes qui étaient antérieurement parties de ce qui se voulait et s'appelait la République Démocratique Allemande. Cette histoire est comme à l’ordinaire rapportée par un narrateur ; ici, ce personnage est un policier, qui officiait déjà dans l’ancienne république – la démocratique (il avait été ce qu'on appelait alors un vopo) et qui a continué à pratiquer le même métier au même endroit après la réunification. C'était un témoin direct de ces événements. Et un témoin engagé... Au sens militaire du terme... engagé sur le terrain. Mais c'est aussi un policier qui se pose des questions et qui a conscience de ce qui se passe autour de lui et un policier qui entend faire barrage à ce qu'il faut bien appeler par son nom ; le racisme, le fascisme et dans sa version allemande, le nazisme.


Voilà donc un policier qui adopte un comportement qu'on pourrait qualifier de démocratique et somme toute, de critique. Il doit y en avoir dans chacun de nos pays ; sans doute même, y en a-t-il toujours eus... Mais j'ai comme l'impression qu'il en est d'une autre sorte... Chez nous, on dit : « Il n'y a plus de sadiques dans les rues, ils sont tous dans la police ». Façon de parler, mais, en effet, à voir ce qui se passe en Grèce, cette complicité entre la police et les fascistes d'Aube Dorée, on le penserait bien... Et comme on le dit ici : « Regardez ce qu'ils font aux Grecs... »


Et ce policier-narrateur, ex-vopo, avec ses principes a presque l'air d'un résistant... Ce qu'il est d'ailleurs pour imaginer, rappeler et en quelque sorte, revendiquer « Un pays nazis non admis »... Il le dit dans sa chanson... Au passage, il fait aussi sauter une dichotomie pernicieuse, celle entre l'est et l'ouest, qui pourrait aussi bien être celle qu'on fantasme entre le sud et le nord... et ce qu'il dit est précisément le titre de la canzone – je rappelle que l'on est en 1993 et que la fusion, disons plutôt l'absorption, le phagocytage de l'Allemagne démocratique, dite de l'Est par l'Allemagne fédérale, dite de l'Ouest, vient de se produire. À Rostock, comme dans le reste de cette ex-Allemagne de l'Est, la reconquête capitaliste laisse des milliers de chômeurs, des entreprises à la dérive, des chantiers navals abandonnés, installe une misère crasse et c'est sur cette décomposition orchestrée par la recherche du profit, que vont avoir lieu des expéditions de nazis qui vont casser du Viet et du nègre... Ce sont ces événements que raconte ce policier-narrateur... Parlant de ces nationaux-racistes à la chevelure réduite, il dit : « Ni d'Est, ni d'Ouest, nazis ! ». Et il a raison, la frontière n'est pas géographique, elle est politique ; elle traverse de part en part la société...


Si je comprends bien, c'est en fait un épisode de la Guerre de Cent Mille Ans... Cette Guerre que les riches font aux pauvres pour par la terreur leur imposer de se soumettre à leurs exigences, pour leur imposer leur éternelle (du moins, ils le croient et l'espèrent) domination, pour accroître leur empire, pour les écraser et en tirer les profits les plus étendus. C'est par la peur, la peur la plus irraisonnée qu'ils imposent ce monde absurde et très certainement, inique. Car sur cette planète, on peut et même, on doit être capables de mettre en place un monde où si on le considère et si on l'organise rationnellement, il y aurait de quoi satisfaire tout le monde, de quoi assurer à chacun de vivre aisément, où l'équité serait la règle, où chacun disposerait de ce dont il a réellement besoin et où chacun ferait ce qu'il est capable pour le bien commun. Voilà pourquoi, pour que ce monde intelligent advienne, il nous faut reprendre notre tâche quotidienne et tisser, envers et contre tout, le linceul de ce vieux monde absurde, irrationnel, inintelligent, carrément idiot, assassin et cacochyme.


Heureusement !


Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane


Moi, je vous le dis
Face à ces têtes de bandits
Nous, les petits flics de rien
On ne pouvait plus rien, rien de rien

Chez nous, l'effectif était maigre
En face, les crânes rasés, des centaines
Pour chasser les Viets et les nègres
Avec leurs battes et des chaînes

Avant, dans la démocratique
Un pays nazis non admis
Tout ça, tous ces bandits
On ne les voyait pas, bernique !

Maintenant, ils sont revenus
Ni d'Est, ni d'Ouest, nazis !
Ils sont tous là, ils tapent, ils crient
Mais à Mölln et Solingen, ils tuent

Maintenant, il n'y a quasiment plus d'emplois
Vous croyez qu'on peut soigner ça
Avec des manifestations à la bougie
Ce chômage, cette misère infinie.

Avant, dans la démocratique
Un pays nazis non admis
Tout ça, tous ces bandits
On ne les voyait pas, bernique !

Mais, vous savez ce qu'on dit
C'est l'Allemagne, la peste brune
L'Allemagne est un étrange pays
Perdu parmi ses brumes et ses runes

Ah ça ! Vous trouvez ça normal ?
Pareil en France, en Italie, chez les Anglais
L'Europe ? Oui, oui, affreusement normal !
Vous savez, moi, ce que j'en disais...

Avant, dans la démocratique
Un pays nazis non admis
Tout ça, tous ces bandits

On ne les voyait pas, bernique !

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