samedi 14 juin 2014

1934 - Erich Mühsam, poète, anarchiste et assassiné

1934 - Erich Mühsam, poète, anarchiste et assassiné


Canzone française – Erich Mühsam, poète, anarchiste et assassiné – 1934 – Marco Valdo M.I. – 2011
Histoires d'Allemagne 35


An de Grass : 34
Au travers du kaléidoscope de Günter Grass. : « Mon Siècle » (Mein Jahrhundert, publié à Göttingen en 1999 – l'édition française au Seuil à Paris en 1999 également) et de ses traducteurs français : Claude Porcell et Bernard Lortholary.



Dans la nuit du 9 au 10 juillet 1934
Au KZ (Camp de Concentration) d'Orianenburg
Assassiné
Par des membres de la SS

Erich Kurt Mühsam
Anarchiste
Publiciste, écrivain
6 avril 1878 Berlin
10 juillet 1934
KZ Orianenburg







Erich Mühsam naît à Berlin le 6 avril 1878 et passe toute son enfance à Lübeck.
En octobre 1926, il fonde la revue Fanal qui, jusqu’en juillet 1931, mènera le combat contre la montée du nazisme – variante allemande du fascisme. Il publie aussi de nombreux ouvrages, dont une réflexion sur le système des conseils : Die Befreiung der Gesellschaft vom Staat (La société libérée de l’Etat), et de multiples études sur la culture allemande.
Parallèlement, il mènera campagne pour Sacco et Vanzetti, et apportera son soutien à Durruti et aux autres anarchistes espagnols en exil.
Adversaire précoce et attentif du nazisme, il tente de créer un large front antifasciste ; ce qui lui valut d’être désigné par les nazis comme l’ennemi prioritaire.
Un jour, le Beobachter, organe des nazis publie en première page les photos de Rosa Luxembourg, de Karl Liebknecht et d'Erich Mühsam, avec sous celle de ce dernier, cette légende : « Le seul traître de l’équipe qui n’ait pas encore été exécuté ».
Le 20 février 1933, il dirige le premier meeting des artistes antifascistes de Berlin, avec son ami Carl Von Ossietzky.
Lors de la nuit de l’incendie du Reichstag (27-28 février 1933), poussé par des amis à s’enfuir, il remonte chez lui prendre ses papiers . C’est là que la police l’arrête.
Déporté au camp d’Oranienburg, Mühsam résiste aux provocations, qui cherchent à le pousser à bout afin de l’abattre. À la provocation, il répond par la provocation. Jusqu'au bout, il va se battre. Quand les SS lui demandent de chanter « Deutschland über alles », il leur sert l’Internationale. Finalement, dans la foulée de la Nuit des longs couteaux — qui ne touche pas que les SA —, les nazis l'assassinent, puis le pendent dans la nuit du 9 au 10 juillet 1934.
C'est en en prenant position suite à la Nuit des Longs Couteaux que Léon Blum, qui fut déporté, neuf ans plus tard, à Buchenwald et avait été Premier ministre socialiste du Front Populaire écrivit :
« Jamais le racisme hitlérien ne m'est apparu plus nettement comme l'ennemi de toute civilisation, de toute moralité, de toute paix humaine. Jamais je ne me suis senti plus profondément pénétré de la certitude que l'extirpation du racisme, du fascisme, de tout ce qui y ressemble ou y tend, est comme un devoir préalable de rédemption par lequel l'humanité doit se rendre digne d'elle-même » Léon Blum, Le Populaire, 3 juillet 1934.



On ne saurait mieux dire... l'extirpation du fascisme d'hier, celle du fascisme d'aujourd'hui ou « tout ce qui y ressemble ou y tend » nécessite que l'humanité se « rende digne d'elle-même » – en liquidant d'un revers de la main, les piètres mensonges des suborneurs de jeunes femmes et de peuples, les faux-fuyants des matamores de la politique, les sourires télévisuels des séducteurs séniles et Don Juan cacochymes et cette fois, Lucien l'âne mon ami, voici encore une histoire incroyable, un moment de barbarie (en fait, comme tu le verras une série de moments de barbarie en chaîne) dont le point d'orgue est l'assassinat, je dirais même plus nettement l'abattage, tu sais cette tuerie à froid qu'on fait subir aux animaux dits de boucherie, du poète anarchiste Erich Mühsam. Il est vrai que Goebbels, la voix de son maître, l'appelait « un porc juif rouge ». J'ai déjà vu des saloperies, mais laisse-moi te dire qu'il s'agit là d'un épisode particulièrement crapuleux que l'exécution de cet homme qui n'avait cessé sa vie durant d'agir et de parler pour la liberté. Comme tu le sais, la liberté d'être est des plus chères au cœur des libertaires et c'est en raison-même de cet attachement à la liberté de l'être (humain, mais pas seulement) que les stupidissimes fascistes allemands ont liquidé Erich Mühsam, poète révolutionnaire et trop résistant. Un homme – un vrai – dont la devise aurait pu être : « Ora e sempre : resistenza ! ».

Je n'en finirai donc jamais de découvrir d'autres versants de la méchanceté et de la bêtise des humains. Ah, Marco Valdo M.I., pourquoi donc existent de telles crapules ? Pourquoi donc l'humanité est-elle assez malade pour laisser se développer de pareilles infections en son sein ? Einstein, tu sais bien ce physicien juif, avait raison quand il disait  : « Il y a deux choses en expansion : l'univers et la connerie. Enfin, pour l'univers, je n'en suis pas trop sûr ». Ou quelque chose comme çà ! Mais parle-moi un peu de la canzone...

En fait, vois-tu Lucien l'âne mon ami, la chanson se présente sous la forme d'une sorte de soliloque d'un personnage, lui-même directement impliqué dans l'assassinat d'Erich Mühsam... Une sorte de confession ou de nécessaire justification... Il s'agit très exactement d'Ehardt Werner, lequel agissait sur ordre de son chef direct le dénommé Theodor Eicke, un nazi de première classe. Selon les dires d'Ehardt, il semblerait bien que ce pur assassinat – prélude à d'autres assassinats de personnes juives et comme tu le sais en très grand nombre, en nombre incommensurable... Un massacre systématique, industriel, planifié, volontaire, sadique, carrément démentiel et démoniaque de millions d'enfants, de femmes, d'hommes. Comme tu le verras dans le cours de la canzone, ce ne fut pas seulement un assassinat pour se débarrasser d'un adversaire – ce qui en soi est déjà détestable et relève de la folie, ce fut également et surtout, une mise à mort sadique qui visait à faire souffrir pour faire souffrir... Comme ce fut le cas sous l'Inquisition. Crois-moi, ces tortionnaires sont de toute évidence des malades mentaux, des cerveaux réduits à la maniaquerie barbare.

Décidément, cette Guerre de Cent Mille Ans que les riches font aux pauvres pour étendre leurs richesses, pour accroître leur exploitation, pour développer leur domination, pour complaire à leurs caprices les plus fous, prend les chemins les plus tortueux, les pratiques les plus tordues, les parcours les plus délirants... Je ne m'y ferai jamais. Et je t'en prie, Marco Valdo M.I., tisse, tisse avec moi le linceul de ce vieux monde sadique, crapuleux et cacochyme.



Heureusement !



Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane.




D'accord, Mühsam était juif, poète et anarchiste
Rien que çà, pour nous, le condamnait par avance
D'accord, il était écrivain, artiste et journaliste
Entre nos mains, il n'avait aucune chance.

Tout est arrivé car ils nous ont envoyés
De Dachau à Orianenbourg
Un transfert de Bavière au Brandebourg
En somme, ils avaient paniqué

Comme à la pension Hanselbauer au bord du lac, liquidation
Comme à la Maison brune, liquidation
Comme à la prison de Stadelheim, liquidation
Comme toute cette histoire de Colibri, liquidation

Un camp n'est pas l'autre et tout était nouveau
Pour nous aider, ils nous avaient laissé des SA
Des rescapés de la Nuit des longs couteaux
Le désastre est venu d'un de ceux-là.

Un dénommé Stahlkopf, tête d'acier
Un physique de l'emploi, un nom prémonitoire,
Pour tuer Mühsam, il a tellement cafouillé
Qu'on a dû fermer le camp, un an plus tard.

D'accord, Mühsam était juif, poète et anarchiste
Rien que çà, pour nous, le condamnait par avance
D'accord, il était écrivain, artiste et journaliste
Entre nos mains, il n'avait aucune chance.

On ne pouvait plus le torturer, on l'avait déjà fait
Il n'avait plus de dents, même quand il souriait
Les verres de ses lunettes étaient fendus
De ses oreilles infectées, il n'entendait plus

Erich Mühsam était déjà ravagé
Par des mois d'interrogatoires sévères
Souriant, il répondait par des vers
Ceux de Schiller ou ceux qu'il avait composés.

Stahlkopf l'a suicidé la tête dans la cuvette
On a dû maquiller le meurtre en autopendaison
Mauvais travail, une vraie trahison
Je n'aurais pas dû confier çà à cette lopette.

Ce Mühsam, tout abîmé, sans en avoir l'air
C'était quelqu'un pour l'Europe entière
Toutes ces protestations de l'étranger ont déplu en haut
Alors, on a fermé le camp et on m'a renvoyé à Dachau.

D'accord, Mühsam était juif, poète et anarchiste
Rien que çà, pour nous, le condamnait par avance
D'accord, il était écrivain, artiste et journaliste

Entre nos mains, il n'avait aucune chance.

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