dimanche 1 juin 2014

1950 – Kölle Alaaf : Qui va payer ça ?

1950 – Kölle Alaaf : Qui va payer ça ?

Canzone française – Kölle Alaaf : Qui va payer ça ? – Marco Valdo M.I. – 2011
Histoires d'Allemagne 51
An de Grass : 50
Au travers du kaléidoscope de Günter Grass. : « Mon Siècle » (Mein Jahrhundert, publié à Göttingen en 1999 –
l'édition française au Seuil à Paris en 1999 également) et de ses traducteurs français : Claude Porcell et Bernard Lortholary.



Kölle Alaaf, qui va payer ça, qui a les moyens ?




Mil neuf cent cinquante, l'histoire d'Allemagne de cette fois-ci se passe dans cette même ville de Cologne où Anneliese et son homme étaient rentrés sous la pluie, sous la pluie, deux années auparavant. Souviens-toi, Lucien l'âne mon ami, ce que disait le narrateur :
« Anneliese, ma femme et moi, on est allé chez le coiffeur
Teinture et permanente pour elle, coupe rasibus pour moi,
Demain, on prend le train de bonne heure
Direction Cologne. On est mieux chez soi.
On est rentré sous la pluie, sous la pluie, sous la pluie
Les vacances étaient finies. »


Oui, oui, je me souviens bien, dit Lucien l'âne en pointant ses oreilles de basalte pour appuyer son propos... C'était au temps de la grande substitution monétaire, du gigantesque tour de passe-passe financier... Le moment où pour assurer la richesse des riches, on a ruiné les pauvres gens. Auxquels après les grands cataclysmes, après les années de dictature de l'absurde, après l'effroyable destruction de tout leur environnement, après l'exil forcé, après mille événements fâcheux, on imposa la misère libre, comme ils ont fait plusieurs fois à l'Argentine et comme ils le font actuellement en Grèce.


En effet, c'était le temps de l'instauration de la nouvelle économie et à propos de la « nouvelle économie », dit Marco Valdo M.I., le narrateur disait :
« Anneliese, ma femme et moi, on a vu la nouvelle économie
Chaussures, jambons, costumes, les vitrines étaient remplies
Anneliese, ma femme et moi, comme tous les petits retraités
On pouvait regarder les vitrines, mais pas acheter, pas acheter.
L'été était pourri...
La guerre était froide et notre soupe aussi ».
On va en reparler de cette version froide de la Guerre de Cent Mille Ans que les riches font aux pauvres pour les mieux exploiter, pour les ruiner au profit de l'accroissement continu de leurs richesses, de leurs privilèges et du maintien de leur domination. Les riches entendent bien rester toujours riches et de ce fait, maintenir les pauvres en pauvreté. Car, rappelle-toi, on ne peut être riche que s'il existe des pauvres et plus il y a de pauvres et plus ils sont pauvres, plus on est riche. Et tout le reste est littérature...


Mais en ce qui concerne ce destin que la terreur des riches impose aux pauvres, et pour ce qui est de courber l'échine, nous les ânes, on en connaît un bout, pour ce qui est des coups aussi et de la terreur que font régner les maîtres – ces imposteurs. Par la terreur, par les armes au besoin, les riches et leurs gouvernements veulent en arriver à ce qu'il ne reste plus aux pauvres qu'à courber l'échine et à fredonner, de Verlaine :
« Et je m'en vais
Au vent mauvais
Qui m'emporte
Deçà, delà,
Pareil à la
Feuille morte. »


Et donc, pour en revenir à la chanson du jour, à Cologne, il y avait un boulanger, un boulanger musical, en quelque sorte. Un boulanger qui aimait la musique légère et la chanson lourde. Il s'appelait Karl Berbuer [[http://de.wikipedia.org/wiki/Karl_Berbuer ]]. Dès les années 1930, il avait composé des chansons, dont la célébrissime Heidewitzka Herr Kapitän [[http://www.youtube.com/watch?v=kMAHqLIdTqg]] (très peu appréciée des nazis) et son succès rejaillit jusque dans le carnaval avec sa Petite Biche en 1939... Juste avant le grand chambardement et le trou noir. Il reparut après l'orage avec une chanson sur les Trizonésiens [[http://www.youtube.com/watch?v=1zPRApKlHJw]], qui comme tu le sais, sont les populations de la Trizonésie, alias la récente République Fédérale Allemande (à cette époque partagée en trois zones d'occupation), dont Köln et son Karneval font partie. Nous sommes en 1950 et c'est le premier Karneval retrouvé. Une grosse fête après dix ans de malheur. On y croise « L'Indien et la Chèvre, Konrad et Walter, bras dessus, bras dessous qui boivent de la Kölsch » : deux masques interallemands : Konrad Adenauer, ancien maire de Köln, chancelier de la République Fédérale et Walter Ulbricht, véritable chef de la République Démocratique. Quant à la Kölsch, il s'agit bien évidemment de la bière de Cologne... Mais « Qui va payer ça ? », demande le narrateur-boulanger.[https://www.youtube.com/watch?v=uQQm7bKJskM]


En effet, dit Lucien l'âne, qui va payer ça ? Telle est la question... Et pas seulement le Karneval, bien entendu. Mais bien les années d'épouvante, les misères à l'échelle du continent, les camps, les horreurs en tous genres... Qui, qui ? Et dire qu'ils recommencent à terroriser les gens... C'est évident qu'il faut mettre fin à ce vieux monde perclus par son aridité morale. Quant à nous, tissons son linceul à ce vieux monde aride, avare, arriviste, ambitieux, arrogant, avide et cacochyme.


Heureusement


Ainsi Parlaient Marco Valdo M.I. et Lucien Lane.



Kölle Alaaf
Gens de Cologne, longtemps avant la guerre
J'étais votre boulanger, ma femme, votre boulangère
Kölle Alaaf
Vous m'appeliez Gilles Levure
En ce temps-là, déjà, la vie était dure.
Kölle Alaaf
Je cuisais votre pain, c'est sûr,
D'où mon nom Gilles Levure
Après Willy Ostermann et son accordéon,
Je suis venu avec mes chansons
Je vous ai fait balancer
Et dodeliner de la tête
Les soirs de fête
Quand vous dansiez

Heidewitzka, Herr Kapitän

Dans la barque de Mülheim
Kölle Alaaf, Cologne avant tous
Au Karneval, on criait tous

Kölle Alaaf
Gens de Cologne, longtemps avant la guerre
J'étais votre boulanger, ma femme, votre boulangère
Kölle Alaaf
Vous m'appeliez Gilles Levure
En ce temps-là, déjà, la vie était dure.
Kölle Alaaf
Pour nous les Trizonésiens.
Kölle Alaaf, qui va payer ça, qui a les moyens ?
Pendant dix ans, le trou noir
Plus rien, les hommes au front
Camps de concentration, d'extermination
Bombardements et désespoir
Puis, nous tous, les Trizonésiens
Dans notre Cologne à ras de terre
On revit le Prince, le Paysan et la Rosière
Kölle Alaaf, qui va payer ça, qui a les moyens ?
Le Prince Carnaval est grossiste en pommes de terre
La Rosière trafique dans l'or, le Paysan dans la pierre.

Kölle Alaaf
Gens de Cologne, longtemps avant la guerre
J'étais votre boulanger, ma femme, votre boulangère
Kölle Alaaf
Vous m'appeliez Gilles Levure
En ce temps-là, déjà, la vie était dure.
Kölle Alaaf
Mil neuf cent cinquante : Prince Karneval est revenu
Un million de personnes à commencer par les Ubiens
Suivi d'antiques Romains et de Germains anciens
Les majorettes jambes en l'air montraient leur tutu
Cinquante chars lançaient des tonnes de caramels
Un canon d'eau de Cologne pour les demoiselles
Le Prince Carnaval, le Paysan et la Rosière
L'Indien et la Chèvre, Konrad et Walter,
Bras dessus, bras dessous boivent de la Kölsch
Kölle Alaaf, qui va payer ça, qui a les moyens ?
Ich bin ein Kölsch .
Et je le dis : Pas nous, les Trizonésiens !

Kölle Alaaf
Gens de Cologne, longtemps avant la guerre
J'étais votre boulanger, ma femme, votre boulangère
Kölle Alaaf
Vous m'appeliez Gilles Levure
En ce temps-là, déjà, la vie était dure.
Kölle Alaaf

Les majorettes jambes en l'air montraient leur tutu



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